Jeff Koons VS Start up en recherche de financement
Pour bien comprendre le mal être des pigeons avant les assises de l’entrepreneuriat
Pour bien comprendre le mal être des pigeons avant les assises de l’entrepreneuriat
Le Parlement français avait, jeudi
20 décembre, le projet de loi de finance 2013, qui avait fait tant couler
d’encre lors du mouvement entrepreneurial dit des Pigeons. Vous savez, ce
mouvement relatif aux augmentations substantielles du régime de taxation des plus-values
de cession de valeurs mobilières (article 6 de de la loi de finances 2013). Et
il y avait de quoi s’alarmer. Le projet de loi de finances 2013 avait
en effet prévu d’augmenter la taxation des plus-values de cession des actions
d’entreprises, pour l’amener au même niveau que l’imposition sur le revenu. Avec pour conséquence de faire passer de 19% à près de 60% de taux d'imposition. certains aménagements mineurs ont tenté de rendre la pilule moins amère à avaler. Cela reste indigeste dans la gorge de nos entrepreneurs. La triple-peine a été fatale à ces
derniers, vecteurs de notre croissance future : taxé publiquement de MEDEF
entrepreneurial sauvage (véritable fracture
idéologique entre entrepreneurs et gouvernement), frappés d’un impôt confiscatoire sur leurs
hypothétiques réussites entrepreneuriales et coupé de toutes sources de
financement de capital risque (financement dit haut de bilan). A l’heure où les
propositions issues des Assises de l’Entrepreneuriat, sorte de doléances des
entrepreneurs, ont fait émerger ce 9 Avril des mesures d’aide à l’essor et
soutien à l’entrepreneuriat, des hérésies structurelles de notre code fiscal subsistent.
Exemple d’illustration empirique sur les
asymétries d’investissement entre investissement dans les œuvres d’art et dans
les start up.
Reprécisons les circonstances funestes de ce mouvement
aussi spontané que nécessaire au regard des conséquences irrémédiables en terme
de financement de notre économie entrepreneuriale. La phrase sibylline est
lâchée. Souvenez-vous, Octobre 2012. Ils ont été vilipendés par l’opinion publique
pour avoir été reçus illico-presto par le Gouvernement après un mouvement viral
sur les réseaux sociaux, dont même Google Flu n’avait pas prévu l’ampleur de
propagation. Ont été étiquetés de MEDEF du numérique pour avoir employé des
méthodes dites poujadistes. Assimilés au grand patronat. Accusés d’avoir
employé des benchmarks d’imposition fiscale biaisés pour exagérer leurs
inquiétudes. Pour comprendre leur malaise, illustrons modestement ce mal
gaulois de l’imposition fiscale par une comparaison entre investissement dans
une œuvre d’art et dans une start up.
A l’heure où le monde du
numérique soumet son cahier de doléances sur le besoin de réformer le
financement de l’innovation et la nécessité de reformer les leviers incitatifs
d’investissement de capital risque à leurs propres fins et ceux des Business
Angel et VC, le microcosme élitiste du monde de l’art reste perméable à toute
révision fiscale. Pis, le Gouvernement se voit contraint actuellement de crever
tous ses bas de laine pour boucler ses budgets, en parallèle, la fiscalité des œuvres
d’art reste gravée dans le marbre, acquise ad vita eternam. Le bastion Villa
Médicis plus fort que Fleur Pellerin pour offrir un cadre fiscal durable à ses ressortissants ? On peut le penser.
Par définition, une œuvre
d’art est statique, figée. Sa valeur et son appréciation sont légitimement
sujets à contestation et subjectivité. Elle relève d’un secteur d’activité en silo
fermé : il parait abscons de classer dans la nomenclature des actifs une
œuvre d’art, elle ne génère pas de cash-flow régulier. Elle ne crée pas de
valeur ajoutée (actif non évolutif par définition), ne procréé aucune
externalité positive telles que des créations substantielles d’emplois ou une
diffusion de savoir-faire sur d’autres secteurs d’activité comme peut l’être le
numérique. Donc sans commune mesure comparable avec la création de 700 000
emplois nets en France du numérique stricto sensu sur un espace-temps de 15
ans. C’est dire la profondeur de champ qui éloigne ces deux dominantes
d’investissement.
Par ailleurs, les
incantations de fiscalité n’ont pas été jugées suffisantes par ce microcosme
artiste. Ainsi, le monde de l’art insuffle artificiellement une spéculation
galopante de ce marché monolithique. Il s’agit d’un marché caractérisé par le
supply-driven avec une introduction très limité d’œuvres d’art de qualité.
Conjuguée à une demande en augmentation (la fiscalité ultra-incitative n’y est
pas étrangère), cela a pour effet de dessiner au fuseau une courbe
exponentielle des prix. Alchimie explosive entre fiscalité ensorcelante,
périmètre occulte d’offre limitée, spéculation envoûtante : le tour est
joué, les start-up « connectés au business réel » n’ont qu’à bien se
tenir et financer leurs seed-stage sous d’autres cieux. A croire que les
efforts stakhanovistes à faire bouger les lignes du financement haut de bilan n’y
feront rien.
L’investisseur obéit à une discipline :
il benchmarke, dissèque son couple rendement / risque et fait des arbitrages. Ainsi,
comment une gouvernance étatique peut-elle continuer raisonnablement à penser
qu’il faut persévérer à orienter notre corpus d’investisseurs vers les œuvres
d’art plutôt que vers nos germes du numérique à effet de levier et création
d’emploi démultipliés ? La
fiscalité des œuvres d’art a donc délaissé de sa quintessence : elle est
devenue une valeur refuge de placement et non plus une appréciation (objective
et contestée de l’art). Démonstration en quelques faits saillants.
Les œuvres
d'art, quelle que soit leur nature, ne sont pas assujetties à l’ISF. Allons
plus loin, elles ne sont pas mentionnées dans la déclaration ISF. Par effet de
miroir, les montants consacrés à son acquisition sont donc non imposables. Vous
le cherchiez, le voilà : le parfait vecteur de déplafonnement de l’ISF. De
plus, le régime français de TVA permet ainsi aux artistes assujettis à la TVA
de ne facturer à leurs acheteurs qu’un taux de 5,5%. La taxe sur les
plus-values (nerf de la guerre de ce sujet comparatif entre œuvre d’art et
financement de start up) ne va pas chercher au-delà des 5%. Il est même inexistant
pour les cessions de moins de 5000€.
Pendant, ce temps notre entrepreneur se
plie à l’exercice d’elevator pitch à la recherche d’investisseurs. Il s’évertue
à brosser sa « proposition value » lors de son périlleux tour de
table de levée de fonds. Malgré sa virtuosité verbale et le côté disruptif de
sa technologie, il n’arrive pas à capter la prunelle de ses interlocuteurs
investisseurs. On peut penser que ces derniers, à juste titre au regard de ces
nouvelles considérations fiscales, détournent le regard du power point de
présentation pour s’attarder sur un gribouillis Velleda mal effacé sur le
tableau. Ils rêvassent qu’ils le feraient bien entrer dans l’assiette des moins
de 5000€, et qu’à côté de leur practice d’investissements dans les biotechs, IT
soft, infras, cela vaudrait la chandelle de faire rentrer un commissaire-priseur
dans leur board d’investisseurs. Pis, spéculons que notre écolier manie mieux
que ça le Velleda et notre gribouillis a quelque chose de chiadé, qui pourrait
excéder une valeur nominative de 5000€ ? La parade se trouve dans le code
des impôts. En cas de revente de l’œuvre d’art, si le cédant dispose d’une
facture, il sera taxé à la hauteur de 5% de la plus-value et sera même exonéré
totalement au bout de 21 ans de détention. Et sous certaines conditions, les œuvres
d'art peuvent être, en cas de succession, intégrées dans le forfait de 5 % des
meubles meublants.
Avec ce durcissement fiscal
des plus-values de cession, l’ensemble du périmètre global fiscal ne forme plus
un ensemble cohérent pour lutter à armes égales avec nos voisins européens. Ainsi, pendant que nos galeristes, antiquaires
et autres néo-collectionneurs (qui se découvrent un béguin pour l’art aussi
soudain que romanesque à la lecture du Code des Impôts) se lèchent les babines,
notre investisseur venture capital pure-player en capital risque perdra en
moyenne 8,5 fois sur 10 sa mise (en d’autres termes : 8 à 9 investissements
perdants sur 10 start up misés). Cela n’a rien de chimérique : cette
activité de venture capital en start up obéit à une logique de risque inhérent
à ce domaine. Et quid sur le dixième coup dit « gagnant » ?
Selon la lecture acrobatique de la loi finances 2013, il devait être taxé
(avant certains aménagements modestes suite au mouvement des Pigeons alias #geonpi) à 62% de la plus-value entre mise de départ et
sortie d’investissement sur le jeton de son 10ème légionnaire. Aucun
intérêt dès lors. Notre couple investisseur-entrepreneur se retrouve dans la
même galère. Avec la double peine pour les associés côté entrepreneurs :
pénurie à faire un tour de table fructueux et plus-value fiscale confiscatoire
lors de la revente de parts en tant qu’associé. Et dans ce frêle esquif, notre
couple a tout intérêt à traverser sans perturbation la Manche. Boris Johnson
(fantasque maire de Londres) et sa Tech City (qui fera l’objet en intégralité
d’un prochain billet) les attendent à bras ouvert, pantalon retroussé, sur les
rivages de Douvres. Le mal est déjà perceptible et mesurable : les
investissements des business angel dans les start up françaises ont fondu de
30% au dernier trimestre 2012 (date de révision du champ fiscal des plus-values
de cessions). Après trois trimestres de hausse consécutive, le coup porté est
palpable.
Mais le mal le plus profond de cet épisode des Pigeons est peut-être pour le Gouvernement d'avoir tracé cette saillie et d'avoir tenté par élan populiste d'enterrer tout espoir de réconcilier le grand public non-averti et nos entrepreneurs assimilés au grand patronat et ses dérives. ces entrepreneurs pugnaces sont notre puissance créative inestimable. Offrons leur un terreau fertile de développement, repensons notre approche entrepreneuriale. préférons-nous la fuite de nos entrepreneurs et les capitaux-risques associés ou celle des plus importants propriétaires et collectionneurs spéculateurs d'oeuvres d'art hors de France. A mes yeux, les orientations voulues par Tarik Krim, Jean-David Chamborédon et consorts pour orienter la structuration du numérique ont plus de force que la Venise de Pinault. ces derniers qui connaissent bien les US n'hésitent pas à nous rappeler tristement qu'à périmètre égal et rapporté à PIB comparable, l'activité business angel en France est trente fois moins développée qu'aux US. Constat amer.
"Pour sortir de la crise, mettons-nous collectivement en danger et valorisons l'idée de prise de risque à tous les niveaux de la société. Amorçons une politique courageuse, visionnaire, porteuse de choix forts et futuristes" Olivier Mathiot, co-fondateur de Priceminister